Journée scientifique apicole 2010

J’ai eu la chance de participer à la journée scientifique apicole organisée conjointement par Oniris (Ecole vétérinaire de Nantes – Monique L’Hostis) et la FNOSAD (Jean-Marie Barbancon). La variété et la qualité des travaux présentés sont encourageantes tant pour les organisateurs que pour la profession apicole qui peut espérer que des progrès soient faits dans la connaissance des abeilles et de leurs pathologies.

N’étant ni chercheur, ni vétérinaire, je me permets, à des fins d’information, de commenter les publications sous un œil d’observateur externe. J’invite toute personne qui souhaiterait en savoir davantage à se tourner vers les organisateurs ou vers www.apivet.eu qui seront d’un bien meilleur secours scientifique.

Première session : Apidologie, actualités, méthodologie

Les deux premières présentations nous ont donné des perspectives européennes et belges sur les pathologies constatées. Il ressort un problème général de méthodologie et de disponibilité de données comparables. Une conclusion intéressante est que les écarts de mortalités entre les ruchers observés ne peuvent être expliqués par une défaillance des pratiques apicoles.

Les travaux menés par la Plateforme Environnementale Vétérinaire d’Oniris rassemblant des données paysagères sur les aires de butinages de l’ “abeille sentinelle” ont fait l’objet d’une présentation axée sur la méthodologie. La finesse de l’analyse et le détail de la présentation géographique des données laisse espérer des résultats de grande qualité écologique et toxicologique. Malheureusement, les premiers résultats ne sont pas encore publiables. Pour mémoire, ce programme de recherche a bénéficié du mécénat de Pullman pour un montant de 100 000 euros. Ce mécénat a été réalisé avec le support et le concours de Bee my Friend.

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Monique L’Hostis, professeur à Oniris
lors de la cérémonie de remise du chèque de 100 000 euros par Pullman

Une étude intéressante comparant des gelées royales, d’une part, produites selon les règles françaises, et d’autre part, importées. Les compositions en sucres laissent à penser que les gelées royales d’importation sont généralement produites par des ruches artificiellement nourries au sirop.

Enfin, un laboratoire a mis au point une méthode d’analyse à relativement bas coût permettant de détecter la présence de 87 pesticides dans le miel et les abeilles. Une telle méthode devrait rapidement permettre d’identifier les origines d’intoxication par ces pesticides.

Deuxième session : Interaction agents pathogènes – maladies – prédateurs.

Plusieurs études ont présenté des interactions de pesticides et de Nosema. On constate qu’à des doses très inférieures à la DL50 certains pesticides augmentent la sensibilité à Noséma.

Lutte contre la nosémose : une équipe de chercheurs teste 11 000 extraits de plantes issus des collections de Laboratoire Pierre Fabre afin de détecter si certains seraient utilisables dans la lutte contre Nosema. Les premiers résultats sont prometteurs. A suivre.

Une étude sur la résistance à Varroa destructor. Les observations s’avèrent plutôt contre intuitives, il y a donc une piste à creuser et un enseignement à en attendre. A suivre.

Malheureusement une étude sur les réactions des colonies aux attaques par Vespa velutina n’a pu être présentée. La publication nous indique que les colonies d’apis mellifera n’ont pas de moyen de défense et que lorsque la pression de prédation augmente l’activité des butineuses est considérablement réduite, ce qui peut mener à un effondrement de la colonie.

Troisième session : Agents chimiques – intoxications – abeille sentinelle

La lutte contre les maladies vectorielles, typiquement la fièvre catarrhale Ovine qui est transmise par un insecte, peut amener à des épandages de matières insecticides néfastes pour l’abeille. On a observé des dommages collatéraux dramatiques dans des zones d’élevage de montagne.

Une équipe est en train de constituer une base de données descriptives des caractéristiques des molécules aux toxicités connues afin d’en déduire par modélisation une toxicité probable de nouvelles molécules qui apparaissent sur le marché. On peut s’attendre que les premier résultats soient approximatifs. Cependant, le sujet est très prometteur ainsi la qualité de la démarche, l’enrichissement progressif de la base de données et l’amélioration constante de la pertinence des informations toxicologiques devraient faire de cette base de données un outil prédictif essentiel des toxicologues apicoles.

L’effet perturbateur du Thiamethoxam, insecticide neurotoxique, sur les capacité d’orientation d’une abeille est observé en laboratoire.

Monique L’Hostis, organisatrice de cette journée fort réussie, a conclu en saluant le renouveau de la recherche apicole et la jeunesse des chercheurs, ce qui laisse entrevoir un regain d’intérêt pour l’abeille.

Un grand bravo à tous ceux qui ont fait de cette journée de travail assidu, une suite de moments passionnants.

Sur le plan éthique et sociétal, on peut toutefois se poser quelques questions. Nombre de nos chercheurs sont occupés à tester la non-toxicité pour l’abeille de molécules insecticides utilisées en traitement phytosanitaire. Régulièrement ces insecticides s’avèrent plus toxiques que les études menées par les promoteurs ne l’ont montré. Chercher à prouver la non-toxicité d’un insecticide sur l’abeille relève de la gageure et ce d’autant plus que les industriels ne coopèrent pas vraiment. A vrai dire, rien ne les incite vraiment à coopérer davantage et leur comportement n’est pas critiquable sur cette seule base d’observation. Une telle organisation ne me parait pas économiquement pertinente à l’échelle de la collectivité. Il me semble même que tout le monde gagnerait à davantage de transparence, de coopération et de responsabilité entre les parties prenantes ; je suis même intimement convaincu que les entreprises agrochimiques pourraient y gagner sur le moyen terme.

Il serait alors possible de consacrer davantage d’efforts de recherche sur les sujets des pathologies spontanées, et nous n’en manquons pas, plutôt que sur des toxicités induites et insuffisamment documentées.

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