Le remaniement ministériel est une occasion délicieuse de faire un peu de politique même si ce n’est pas la vocation première de ce blog. Vous avez pu lire ici quelques articles plutôt positifs quant à l’action de Nathalie Kosciusko-Morizet au secrétariat d’Etat à l’écologie. Du peu que je comprends de la façon dont est mené ce pays, je crois que nous lui devons beaucoup ; tout d’abord pour le Grenelle de l’Environnement et ensuite pour la rationalisation de l’approche des OGM qui sont aujourd’hui interdits en France en attente d’une réintroduction rationnelle et transparente.
Merci Nathalie, espérons que vos successeurs sauront respecter l’esprit nouveau que vous avez insufflé dans la gestion de l’environnement. Et pour tout vous dire, j’ai quelques inquiétudes.
Les apiculteurs sont traditionnellement des militants écologistes et ce pour de nombreuses raisons. Par delà la véritable motivation civique (qui ne justifie pas que cette profession soit davantage concernée que d’autres agriculteurs ou éleveurs), leur dépendance forte du milieu dans lequel leurs abeilles vivent de vaine pâture les oblige à militer pour que ceux qui peuvent influencer la qualité de ce milieu le respectent. Ce militantisme civique n’est donc pas dénué d’intérêt personnel et je suis le premier à encourager mon entourage à respecter et protéger la Terre qui nous nourrit, elle est fragile.
Revenons à NKM et à ce remaniement ministériel. Le gouvernement a fait initialement de l’écologie une priorité (souvenez-vous Alain Juppé puis Jean-Louis Borloo etc) et a nommé une jeune femme brillante et compétente en la matière, NKM. Tout va bien pour le moment. Arrive le Grenelle et il faut que chacun trouve des compromis et finalement les choses progressent dans un certain pragmatisme, ça pourrait être encore mieux mais il faut garder les pieds sur terre et faire des concessions que les râleurs regretteront éternellement. Ensuite survient une crise économique majeure où notre président s’agite comme il sait si bien le faire puis procède à un remaniement ministériel affaiblissant le ministère de l’écologie qui perd une forte personnalité compétente et reconnue et ne la remplace pas.
Que faut-il comprendre? Si le message est que les difficultés engendrées par la crise ne nous permettent plus le luxe de l’écologie alors je dois dire que ce raisonnement est non seulement inadmissible pour l’apiculteur amateur que je suis, mais il est encore moins acceptable pour l’économiste qu’il m’arrive d’être.
Le raisonnement est le suivant : crise du crédit, les banques ont de plus en plus de difficulté à se refinancer, rareté des financements pour l’économie productive, et donc les gouvernements réagissent pour relancer la machine. En France on insiste pour que les banques, soutenues par l’Etat, continuent de prêter à la sphère productive. L’Etat soutient les banques, bel effort de solidarité nationale, la collectivité soutient le secteur exposé qui, s’il est maintenu à un niveau d’efficacité correcte, devrait permettre à l’économie de ne pas trop ralentir. Tout va bien, tous les gouvernements font des choses à peu près semblables et savoir si les choix français sont meilleurs ou moins bons que d’autres n’est pas notre propos.
L’Etat soutient les banques pour juguler la crise. Il le fait avec les impôts que nous payons aujourd’hui mais surtout, il le fait en s’endettant et c’est là qu’est le sujet. Que l’Etat s’endette signifie que ce sont les générations à venir qui paieront les investissements et dépenses faites aujourd’hui. Ces générations recevront en héritage, tout d’abord la dette certaine que nous contractons aujourd’hui et les actifs dans lesquels nous investissons et dont la pérennité est parfois questionnable. Comment peut-on croire que ces générations accepteront l’héritage si il ne préserve pas la Terre troisième bien inclus dans l’héritage. De la qualité des investissement fait aujourd’hui pour relancer notre activité dépend la qualité du bien Terre demain. Sera-t-elle propre et à ranger à l’actif de la succession ou sale et à ranger au passif des égoïsmes des générations finissantes bien trop représentées dans les sphères dirigeantes et gouvernantes.
Parce que le seul remède qu’on ait trouvé à la crise est le financement d’investissements par la dette publique, nous avons l’obligation morale et politique d’investir encore davantage dans une économie verte et respectueuse de l’environnement. Saurons-nous le faire sans NKM?
Un dernier mot d’adieu pour Nathalie Kosciusko-Morizet. Si l’on accepte la théorie selon laquelle, pour fonctionner, les centres de calcul et les réseaux de télécommunications (qui sont la réalité matérielle de l’économie numérique) produisent directement ou indirectement autant de gaz à effet de serre que l’aviation civile, il y a là un grand chantier d’application des compétences que nous vous connaissons. Bon courage et bonne chance.