Le gouvernement vient de renouveler l’interdiction de mise en culture de maïs transgénique MON 810. Dans l’état actuel de nos connaissances, c’est une bonne nouvelle.
Il n’y a pas de raison de refuser un progrès technologique pour autant qu’il s’agisse effectivement de progrès. La remise en question de cette interdiction qui ne saurait tarder, il nous semble utile de rappeler quels sont les points qui devront alors être traités.
Préambule : attention à la désinformation
L’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), syndicat apicole engagé de longue date dans la lutte contre la culture d’OGM, est au cœur de nombreuses actions anti-OGM. Ces derniers temps une pétition à circulé (www.ogm-abeille.org). Son thème est : « Abeille ou OGM, il faut choisir », et le slogan phare est "Nous avons plus besoin des abeilles que des OGM!". Bien que de nombreux syndicats et associations apicoles y participent, Bee my Friend refuse de cautionner ces actions. Notre position mérite probablement quelques explications.
L’UNAF prétend sensibiliser le public à la cause des abeilles, ne confondons pas sensibilisation et désinformation. Je prends pour illustration de cette pratique le dernier éditorial d’Abeille et Fleurs, dans lequel Olivier Belval, président de l’UNAF, se félicite de constater que : « Pour 81% de nos concitoyens, les pesticides sont la cause majeure de la mortalité des abeilles ». L’UNAF oublie de dire que pour plus de la moitié des apiculteurs, la première cause de problèmes dans les ruchers est Varroa destructor, le fameux acarien parasite des abeilles. Qui doit-on croire, une opinion manipulée et entretenue dans l’ignorance ou les spécialistes concernés ? L’utilisation de pesticides pose de nombreux problèmes, les aborder ainsi est nuisible à la démocratie et à la cause des abeilles.
"Nous avons plus besoin des abeilles que des OGM!". Ce slogan est parfaitement acceptable et ce d’autant plus que les OGM ont montré les dangers qu’ils font porter sur la flore et l’environnement sans pour autant apporter des améliorations substantielles de rendement à l’hectare ou de rentabilité de la culture.
Faut-il choisir entre abeille et OGM ? Il n’y a pas de raison de considérer abeille et OGM comme incompatibles. Et si tel était le cas, il n’y aurait évidemment pas de place pour les OGM car l’abeille et les pollinisateurs sont partout. Utiliser l’abeille comme alibi de la lutte anti-OGM est une vaste supercherie et un mauvais calcul. A ma connaissance, aucune étude ne montre une incompatibilité biologique entre abeille et culture OGM. C’est la règlementation actuelle qui rend abeilles et OGM incompatibles. Un miel a été jugé impropre à la consommation car il contenait du pollen de maïs OGM et que le dit maïs n’avait pas été autorisé pour la consommation humaine. La raison n’a rien de biologique, rien de scientifique. Et les lois et règlementations sont faits pour se faire et défaire en fonction de progrès de la connaissance.
Il existe de nombreuses raisons de refuser collectivement la mise en culture d’OGM sur le territoire national sous la forme qui nous est proposée. La plupart de ces raisons ne concernent pas particulièrement les abeilles et donc notre association n’a pas de raison de prendre position dans ce débat trop radical pour être honnête. Essayons de clarifier.
Propriété et responsabilité
Peut-on breveter le vivant comme le font les firmes développant des OGM ? A mon sens, non. Malheureusement, ceci n’est plus qu’un combat d’arrière garde, le coup est parti. Toutefois, si les firmes revendiquent une propriété des gènes, ne devraient-elles pas se voir attribuer une responsabilité sur leur dissémination ? Or tel n’est pas le cas. Par exemple : lorsque une moutarde sauvage a acquis par croisement avec un colza OGM, un gène propriété de Monsanto, lui conférant une résistance à un herbicide commercialisé par Monsanto, Monsanto ne devrait-il pas dépolluer la nature et éliminer cette moutarde devenue OGM hors de tout contrôle ? Lorsque une autre moutarde sauvage a acquis un second gène de résistance commercialisé par Bayer, Bayer ne devrait-il pas dépolluer la nature et éliminer cette moutarde devenue OGM hors de tout contrôle ? Enfin, quand une moutarde a acquis les deux gènes de résistance, qui est propriétaire et qui doit dépolluer ? Il ne s’agit malheureusement pas d’un cas théorique, de telles plantes ont été observées et les éliminer est extrêmement compliqué. Le producteurs d’OGM ne se précipitent pas.
La présence d’OGM est-elle acceptable
La culture d’OGM implique que collectivement nous en acceptions la présence dans notre environnement et jusque dans notre assiette. En effet, une partie des pollens seront OGM et leur dissémination, qu’elle se fasse par le vent, les insectes ou tout autre moyen, amènera des plantes initialement non OGM à le devenir après fécondation. C’est d’autant plus grave que les barrières interspécifiques entre plantes ne sont pas aussi strictes que chez les animaux.
A mon sens les OGM résistants aux herbicides ne sont que des moyens de vendre et épandre davantage de ces herbicides, c’est un non-sens écologique et pour l’instant l’Europe a résister à leur introduction. Plus sérieux les OGM de type BT comme le MON 810 de Monsanto mérite une étude plus approfondie. Cette plante a acquis la capacité de secréter la toxine insecticide naturellement produite par Bacillus thurigensis. Rien ne nous dit que la toxine est exactement la même et ni qu’elle est synthétisée et conditionnée sous sa forme naturelle, mais osons supposer qu’il en est ainsi. Certes, cette technologie est séduisante car elle permet de ne pas épandre d’insecticide. En revanche, le problème de la dissémination incontrôlable des pollens reste identique aux vus ci-dessus. Les quantités de substance insecticide secrétées sont loin d’être maitrisées. Enfin, que sait-on des éventuelles toxicités des exsudats de ces plantes et de leur attractivité pour les insectes non cibles. Un second article du Monde nous donne quelques idées sur la complexité scientifique et les querelles de clochers engendrées : http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/19/la-coccinelle-victime-collaterale-du-mon810_1672055_3244.html.
Abeilles et OGM
Les OGM sont-ils toxiques pour les abeilles ? Nous n’en savons rien ou pas grand-chose. Voici une question qui exige une réponse au cas par cas.
Le point de règlementation qui nous semble important est la notion de droit de produire et consommer avec ou sans OGM. Tout d’abord, la mise en culture d’OGM prive tout apiculteur alentour de son droit de produire sans OGM. On retrouvera du pollen et des nectars OGM dans les miels.
Plus grave à mon sens, un agriculteur faisant le choix de cultiver sans OGM verra sa culture pollinisée par des abeilles qui lui apporteront du pollen OGM. Ainsi l’apiculteur prive l’agriculteur de son droit de cultiver sans OGM. L’abeille est alors le vecteur de la pollution génique, elle cause un tord à cet agriculteur traditionnel. Nous sommes heureux de voir cette notion enfin évoquée par la fameuse pétition, nous l’avons signalée depuis plusieurs années.
Il est essentiel que cette action vectrice de pollen qu’ils soit OGM ou non, soit reconnue comme ne pouvant en aucun cas être considérée responsable d’un tord causé. Ce tord a son origine dans la culture OGM et l’abeille ne saurait être tenue pour responsable. Le vecteur, l’abeille, est un partenaire intrinsèque et essentiel de toute culture, l’autorisation de mise en culture des OGM ne peut se faire qu’en connaissance de cause et doit d’emblée dédouaner l’abeille.
Et si on peut écarter les abeilles domestiques des champs OGM comme l’a demandé un juge allemand, on ne peut pas en faire autant des abeilles sauvages et autres insectes pollinisateurs. On peut oser espérer que les magistrats qui auront à étudier le dossier mesureront l’absurdité d’une telle position si la culture d’OGM doit se développer.
Les abeilles peuvent très probablement cohabiter avec des cultures OGM. La technologie n’a a priori pas de raison d’être remise en cause, l’innocuité des cultures proposées aujourd’hui est cependant questionnable.
Autoriser la mise en culture d’OGM
- c’est accepter que le patrimoine génétique ambiant partagé par les cultivateurs sera mâtiné de gènes OGM dans des proportions imprévisibles, c’est accepter que ce qui pourrait passer pour une pollution génique n’en est pas une ;
- c’est accepter que les abeilles récolteront des pollens et nectar OGM et qu’il sera impossible de les en empêcher, ni de contrôler les quantités contenues dans les miels ;
- c’est accepter que les abeilles polliniseront indifféremment des plantes OGM et non OGM, et qu’il ne saurait être question de tenir les apiculteurs pour responsables de la dissémination incontrôlée de pollens transgéniques.
Tant que nous ne serons pas prêts à assumer collectivement ces risques, alors il sera préférable de prolonger l’interdiction des cultures OGM sur notre territoire.