Depuis son apparition en 2004 dans le Lot-et-Garonne, le frelon asiatique à pattes jaunes, Vespa velutina, a colonisé le sud-ouest de la France, occupant actuellement 32 départements (190 000 km²). De plus, à ce jour, des présences ponctuelles ont été observées dans trois départements éloignés du front d’invasion suivi par l’INPN (2010) : la Côte-d’Or, l’Ille-et-Vilaine et la Seine-Saint-Denis.
De même que pour beaucoup d’autres espèces invasives, l’espèce introduite n’a jamais posé de problèmes économiques importants dans son aire d’origine, où de nombreux facteurs écologiques (prédation, compétition, etc.) limitent ses niveaux de population. Ces facteurs se trouvant absents dans la zone d’introduction, la prolifération de l’espèce en est grandement facilitée. Sa multiplication est en outre largement favorisée par la présence en grand nombre et sur toute la surface du territoire européen d’une de ses proies favorites : les abeilles domestiques. Les dégâts du frelon sur les ruchers français, bien qu’extrêmement variables selon les secteurs et les colonies, ont conduit certains apiculteurs, de la région de Bordeaux notamment, à abandonner leur activité.
L’INRA travaille à la mise au point d’un piège spécifique. Le service Hyménoptères du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) épaule l’INRA en réalisant un test à grande échelle de la sélectivité d’un appât prometteur à base de jus de cirier.
Bee My Friend apporte sa contribution financière ainsi que le support de son réseau pour mener à bien cette expérimentation. Le soutien aux programmes de recherche liés à l’abeille est au cœur de l’action de Bee my Friend ; après notre contribution la mise en œuvre du mécénat de Pullman en faveur d’Oniris et son programme “Abeille Sentinelle”, la lutte sélective contre Vespa velutina nous a semblé une priorité de l’année, aussi avons-nous décidé d’agir sans attendre et de concentrer nos efforts sur les travaux du Muséum.
Le frelon asiatique
Le frelon se développe au cours de la belle saison en fondant des colonies qui se développent dans des nids de grande taille généralement perchés dans les arbres à 10 à 15 m de hauteur. L’hiver les nids sont vides et les futures fondatrices (femelles fécondées) hivernent dans la terre ou sous les écorces des arbres. Seules quelques unes fonderont des colonies au printemps suivant. Au printemps et en été, les ouvrières nourrissent les larves avec d’autres insectes et l’abeille domestique contribue alors largement à leur ration journalière. Plus tard dans la saison la colonie étant composée de nombreux adultes se nourrit davantage de fruits et de produits sucrés. Comme dans tout élevage ou culture, le développement d’une espèce particulière (ici les abeilles, plus loin le blé et un peu plus loin encore le bovin) est une aubaine pour ses parasites ou prédateurs.
Jusqu’à preuve du contraire, la seule véritable nuisance constatée à ce jour est la destruction de colonies d’abeilles par l’attaque d’ouvrières frelons. Les autres nuisances comme les piqûres ne sont pas fondamentalement différentes de celles causées par d’autres insectes de la même famille avec lesquels nous avons appris à vivre.
Il semble donc important de limiter les conséquences de cette invasion sur les ruchers en réduisant les effets des attaques et en freinant l’invasion par affaiblissement des colonies de frelons. L’invasion étant partie de seulement quelques fondatrices en 2004, il parait aujourd’hui impensable de la stopper. Il faudrait éliminer la population à 100%.
Le piégeage sélectif – un impératif écologique
Le piégeage est le procédé de lutte privilégié. Il est fondamental de procéder à un piégeage sélectif. En effet, les pièges classiques à insectes (pièges à bière ou à eau sucrée) ne sauraient être utilisés de manière systématique car ils attrapent de nombreux autres insectes parfaitement étrangers à notre propos qui n’ont rien demandé. Les dégâts sur la faune entomologique pourraient être plus graves que la nuisance combattue.
Il paraît important de se rappeler que, si l’abeille est un enjeu écologique essentiel, ce n’est pas seulement en tant qu’espèce menacée car, étant élevée, elle est relativement moins exposée que d’autres insectes pollinisateurs. C’est surtout parce qu’elle est un indicateur permanent, ou sentinelle écologique, des facteurs qui pèsent sur l’ensemble des insectes qu’elle mérite une attention particulière. Si pour protéger l’abeille domestique du frelon asiatique, on affecte les populations d’autres insectes par manque de sélectivité, alors notre abeille domestique perd son caractère de sentinelle écologique, sa culture devient une menace pour d’autres espèces.
Si comme certains groupements le recommandent, on étend le piégeage non sélectif à l’ensemble du territoire, on tombe dans les travers des causes supérieures : tout est permis et les éventuels dommages collatéraux sont ignorés ou négligés. Lorsqu’on atteint de telles extrémités alors, sur le plan éthique, notre abeille ne vaut pas mieux qu’un champ d’OGM round-up ready.
A ce stade, dans la mesure où aucun piège véritablement sélectif n’est disponible, il est vivement recommandé de limiter le piégeage aux zones de prédation réelle, à savoir, les ruchers des zones infestées.
Les travaux du Muséum
Le service Hyménoptères du Muséum suit le développement de Vespa velutina depuis son apparition en France et étudie sa biologie. Le Muséum travaille, en collaboration avec l’INRA, à la mise au point d’un piège spécifique, susceptible de n’attraper que le Vespa velutina. Dans le cadre de ce projet, le Muséum travaille essentiellement sur l’identification d’un appât. Une première phase a consisté à déterminer un appât sélectif en zone fortement infestée. Les résultats obtenus avec un appât à base de jus de cirier sont encourageants : forte attraction sur Vespa velutina et peu d’insectes non cible capturés. Maintenant, il convient de tester cet appât in situ dans une plus grande variété de zones moins infestées et
de mesurer sa sélectivité.
Il faut en outre voir s’il a la même attraction sur les reines de frelon au printemps que sur les ouvrières. En attendant que l’INRA (projet France AgriMer) définisse les molécules attractives permettant de produire des pièges commerciaux spécifiques, il apparaît intéressant de pouvoir proposer aux apiculteurs une solution alternative de protection de leurs ruchers qui soit respectueuse de l’environnement. Ce piège, s’il s’avère efficace et réellement spécifique dans différentes conditions de densité du frelon, pourra aussi être un dispositif intéressant pour la surveillance dans les zones où l’espèce n’a pas encore été signalée.
Le service Hyménoptères du Muséum National d’Histoire Naturelle et Bee my Friend sont très heureux de collaborer sur ce programme et ne manqueront pas de communiquer au fur et à mesure de l’avancement de ces travaux.