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Comment sont évalués les pesticides ?

On peut se demander pourquoi les apiculteurs se plaignent des pesticides et de leurs effets délétères sur les populations d’abeilles ? N’y-a-t-il pas des règlementations sérieuses sur l’usage des pesticides ? Les gens qui font les règlementations sont des gens dignes de foi, n’est-ce pas ?

Si vous me posiez la question, je ne manquerais pas de me lancer dans de longues explications. Et vous ne liriez probablement pas mon billet jusqu’au bout. Dans Le Monde, Stéphane Foucart traite le sujet en quelques lignes et avec beaucoup d’humour.

 

2008-03-29 - Abeille Prunier 4

Abeille sur une fleur de prunier

Le tabac et les abeilles

Article paru dans l’édition du 13.10.13 du Journal Le Monde

Les vrais rouages de nos sociétés sont les milliers de documents techniques qui en règlent minutieusement le fonctionnement et que nous ne prenons généralement pas le temps d’explorer. S’y plonger est parfois édifiant. Penchons-nous sur celui qui répond au nom rébarbatif de « Système pour l’évaluation du risque des produits phytosanitaires pour l’environnement », publié en 1992 par l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (EPPO) et dont une dizaine de pages traitent des abeilles domestiques (Apis mellifera).

Régulièrement remis à jour depuis sa publication, ce « document-guide » établit, entre autres, la manière dont les agrochimistes doivent s’y prendre pour garantir l’innocuité de leurs pesticides pour ces petits insectes. La lecture de ce document offre une explication assez convaincante à ce qui est généralement présenté comme une énigme : le mystère tenace du déclin rapide des abeilles, un peu partout sur Terre.

Pour comprendre, il peut être utile de faire une petite expérience de pensée. Prenez un groupe d’hommes jeunes, en bonne santé. Assurez-vous qu’ils pèsent tous environ 70 kg. Puis enfermez-les pendant deux jours et contraignez-les à fumer suffisamment de cigarettes pour obtenir la mort de la moitié d’entre eux. Relevez la quantité de cigarettes inhalées pour parvenir à ce résultat : vous venez d’obtenir ce que les toxicologues nomment la « dose létale 50 » sur quarante-huit heures (ou DL50-48 heures). C’est la quantité d’un toxique qui, administrée sur une période de deux jours, a une chance sur deux de tuer un individu. En se fondant sur la seule toxicité de la nicotine, il est vraisemblable que la DL50-48 heures de la cigarette blonde soit de l’ordre de cent cinquante paquets par individu. Divisez ensuite cette quantité par dix. A ce stade, vous ignorez encore à quoi correspond le résultat obtenu (c’est-à-dire quinze paquets).

A rien ? Détrompez-vous : l’expérience et le calcul que vous venez de conduire vous apportent la « preuve scientifique » que la cigarette est un produit à « faible risque » pour les humains, pour peu que sa consommation demeure sous le seuil de quinze paquets quotidiens. A cinq paquets de blondes par jour, vous êtes donc très largement en deçà du seuil de risque.

Grotesque ? C’est très précisément de cette manière que sont évalués les risques présentés par les nouvelles générations d’insecticides (dits néonicotinoïdes) pour l’abeille. Si l’on estime qu’une butineuse est quotidiennement exposée à une dose d’insecticide de l’ordre d’un dixième de celle qui lui est fatale, alors le produit est jugé, de manière tout à fait arbitraire, à « faible risque »…

De nouvelles lignes directrices – fondées, elles, sur l’état réel du savoir scientifique – ont certes été proposées cet été par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Début octobre, les Etats membres de l’Union et la Commission européenne devaient décider – ou non – de leur adoption. Las ! La décision a été ajournée et nous pouvons faire ici le pari qu’il faudra encore plusieurs mois avant leur adoption formelle. En attendant, les autorisations se font sur la foi des anciennes lignes directrices, dont nous mesurons l’absurdité.

Quant à savoir pourquoi un laxisme réglementaire aussi invraisemblable a perduré plus d’une quinzaine d’années, alors même que les apiculteurs donnaient l’alerte sur les dépeuplements massifs de leurs ruches… Ce sera probablement l’objet d’une prochaine chronique.

par Stéphane Foucart

Barack Obama et les abeilles

Le président Barack Obama ambitionne de sauver les abeilles. Quand un homme politique annonce un grand programme, il faut vraiment être naïf pour espérer des résultats rapides, concluants voire efficaces.

Au risque de passer pour un naïf, j’ose dire que L’article du Monde nous laisse espérer de bonnes nouvelles à venir des Etats-Unis.

 

Le contexte est assez différent du nôtre et mérite quelques rappels.

Tout d’abord on constate une fois de plus que l’apiculture étatsunienne a pour première vocation la pollinisation des cultures. Le miel serait presque un sous-produit dans ce pays continent. Les USA sont le premier producteur mondial d’amandes et les amandiers ont un besoin impératif d’abeilles pour les polliniser. Plus de la moitié des ruches du pays se concentrent en Californie en janvier de chaque pour la saison de la floraison des amandiers.

Il est intéressant de constater que les insecticides néonicotinoïdes sont clairement identifiés comme possibles facteurs de déclins des abeilles. Une quantification de leur impact est demandée, nous sommes impatients de lire les résultats. C’est d’autant plus intéressant que les autorisations de mises sur le marché des pesticides aux Etats-Unis sont bien moins exigeantes que les pratiques françaises et européennes.

Il y a fort à parier que les abeilles étatsuniennes souffrent des mêmes maux que les nôtres. Que la Maison Blanche prenne conscience du problème posé par la raréfaction des abeilles et décide d’y consacrer des moyens conséquents et selon une approche différente de ce que nous pratiquons en Europe, voici qui me semble une excellente nouvelle.

Le groupe de travail a six mois pour proposer des actions. Rendez-vous est donc pris.

 

Autres articles sur le même sujet :

The Guardian : White House task force charged with saving bees from mysterious decline.

The Washington Examiner : Obama moves to save the honey bees, targets pesticides.

Enfin, voici un lien vers le document de la Maison Blanche : Presidential Memorandum — Creating a Federal Strategy to Promote the Health of Honey Bees and Other Pollinators. Rien de tel que le retour à la source.

 

PS : depuis la rédaction de cet article, ‘C dans l’air’ a consacré une émission à cette nouvelle.

Ce magazine qui est généralement de très bonne qualité est, sur ce thème, très décevant. Si vous y apprenez quelque chose, allez vite le vérifier auprès d’une personne compétente. Faire le procès de l’agriculture moderne ne nous dit pas grand chose sur la pertinence de la démarche d’Obama, ni sur les résultats à en attendre pour les abeilles.

  • Les commentaires sur le frelon asiatique sont à oublier. Cela fait bientôt dix ans qu’il est arrivé et, d’un côté, on demande d’attendre les résultats des recherches, et de l’autre, on nous dit que le piégeage est facile et sans risque.
  • La présentation des néonicotinoïdes par Béatrice Robrolle-Mary est d’un manque de clarté accablant. Si avec ça, vous savez de quoi on parle, bravo. Quant à l’abeille filtre biologique imparable qui assure que les produits de la ruche ne sont pas affectés par les pollutions extérieures, c’est un beau mensonge. La mauvaise foi des apiculteurs commerçants est désolante et irresponsable.
  • François Lasserre, vice-président de l’OPIE (office pour les insectes et leur environnement) apporte un point de vue sur les pollinisateurs sauvages et donne une réplique utile face au discours de Béatrice Robrolle-Mary.
  • Quant à Bruno Parmentier, Yves Paccalet, ils sont pertinents mais un peu trop généralistes pour nous apporter un véritable éclairage sur le sujet. Si la reine d’Angleterre lance un programme pour sauver le Rossignol, on peut les faire revenir, ils diront à peu près la même chose.

Désolé pour ce commentaire un peu aigre, d’autant que ce n’est pas demain que ce blog aura l’audience de ‘C dans l’air’… C’est toujours agaçant de voir un sujet qui vous passionne traité superficiellement.

Les insectes seraient-ils utiles ?

Le Monde nous fait une rapide synthèse des interactions des insectes avec l’ensemble du milieu naturel.

L’agriculture commence à pâtir de ces méfaits et épandages inconsidérés. Si on garde à l’esprit que seul 1% des quantités épandues touchent leur cible, on est obligé de constater que l’essentiel s’égare dans la nature et se diffuse. Les dommages collatéraux sont encore incompris. Cet article va dans le sens de la prise de conscience.

 

2008-06-08 - Bourdon sur Orchis militaris 4

Bourdon sur un Orchis Militaris

 

Le magazine ‘C dans l’air’ a consacré une émission au programme de protection des abeilles lancé par le Président Obama. Dans le billet précédent, j’ai vivement critiqué cette émission car, à mon sens, elle n’a pas traité le sujet qu’elle s’est donné. En revanche, on peut dire qu’elle a davantage traité des impacts de l’agriculture moderne sur l’environnement. Notamment, l’article cité plus haut est rapidement commenté.

La croisade de l’UNAF contre les OGM

Le Monde nous donne un premier écho du congrès d’Agen qui s’est ouvert par une table ronde sur les OGM.

A lire cet article, on ne peut que rester sceptique quant au problème posé.

La guerre entre pro et anti OGM n’est qu’une distraction qui masque la complexité des problèmes éthiques complexes auxquels la société doit s’attaquer.

Si le seul tort causé par les OGM était qu’ils "favorisent la monoculture à grande échelle et donc éliminent la biodiversité nécessaire aux abeilles" alors le sujet serait clos sur un non-lieu. La protection des apiculteurs contre les OGM supposant un tort causé, elle n’aurait donc pas lieu d’être. Or le problème est plus complexe.

Pourquoi la collectivité se priverait-elle d’une technologie ? La recherche par l’Union européenne d’une solution collectivement acceptable semble une démarche constructive. En accordant un blanc seing à l’apiculture, l’Union euopéenne reposerait alors le débat à l’échelle de la société à laquelle plusieurs questions se posent.

– Sommes-nous prêts à accepter que l’environnement soit contaminé par des gènes artificiellement introduits ? On a observé aux Etats Unis des plantes sauvages (moutarde) ayant acquis des gênes introduits chez leurs cousins le colza. Il y a bien contamination de l’écosystème. 

– Sommes-nous prêt à ce que des plantes non-OGM soient fécondées par des pollens OGM ? La diffusion de pollen par les abeilles ou par le vent va bien au-delà du périmètre d’un champs cultivé. Un plan de maïs non-OGM développe alors des grains dont la moitié du génome est modifiée. Le consommateur pas plus que le producteur n’a les moyens d’en être informé.

Le droit à produire et consommer sans OGM est impossible à garantir dès lors que ces cultures sont introduites. Si nous acceptons ces mises en culture alors les miels et autres produits de la ruche ne seront que le reflet de l’environnement que nous aurons choisi.

Que l’on décide d’utiliser la technologie OGM est éthiquement possible. Cela ne signifie pas que toutes les applications sont acceptables. Une étude au cas par cas s’impose.

Le premier cas, assez général, est celui de l’introduction des gènes de résistance aux herbicides. Il pose un problème éthique auquel nous sommes tentés de répondre par un refus.

Ensuite, on peut regarder le cas des gènes BT introduits notamment dans le MON810 de Monsanto. Ils induisent la production de substances insecticides dont les effets sur l’entomofaune et sur le consommateur méritent des études quantitative approfondies, et ce d’autant plus que les quantités produites sont très variables selon les conditions de développement de la plante. La récente étude du Pr Séralini (portant sur un gène de résistance) a eu le mérite de poser la question et de préciser l’étendue des moyens nécessaires à mettre en œuvre si l’on veut aboutir à des conclusions fiables.  

Le frelon asiatique, espèce nuisible

Les ministres de l’agriculture et de l’environnement envisagent de classer le frelon asiatique en "espèce exotique envahissante et nuisible à l’apiculture". S’agit-il d’une bonne nouvelle ? Rien n’est moins sûr !

Le communiqué est disponible sur le site du ministère de l’agriculture. Il prévoit notamment : "Le classement comme espèce exotique envahissante est soumis à la consultation du public à compter du 11 octobre, et pour une durée de quinze jours". Voici donc quelques éléments de réflexions en guise de réponse à cette consultation.

Que le frelon asiatique soit une espèce exotique envahissante ne fait pas de doute. Certes nous nous passerions volontiers des services de ce péril à pattes jaunes arrivé en France en 2004  au nombre des bienfaits du commerce mondialisé.

Que ce soit une espèce nuisible à l’apiculture est certain. Les dégâts causés sur les colonies d’abeilles domestiques sont incontestables. Ce frelon se nourrit essentiellement d’abeilles qu’il attrape au sortir de la ruche. Lorsqu’il se positionne en face des planches d’envol, le frelon met la colonie en état de stress et les butineuses ne sortent quasiment plus. Au point qu’elles ne rentrent plus de nourriture et que la ruche s’affaiblit par chômage avant de s’affaiblir par le nombre de proies prélevées.

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Revenons au texte du communiqué ministériel qui nous dit : "Le classement d’une espèce comme espèce exotique envahissante et comme danger sanitaire permet l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de lutte obligatoire au niveau national et départemental". La question est donc de savoir quel seront ces programmes de lutte.

Avant de rentrer dans le débat, ceux qui souhaitent en savoir davantage sur le frelon asiatique (Vespa velutina), peuvent aller sur wikipedia qui s’avère fort bien renseigné. Et précisons également que le Vespa velutina est fortement nuisible à l’apiculture et à elle seule : il n’est pas particulièrement dangereux pour l’homme, pas davantage que son cousin européen Vespa crabo.

L’une des grandes difficultés de la lutte provient de la localisation des nids dans la frondaison des arbres. Pratiquement, on ne les voit qu’à l’automne après qu’ils aient pleinement joué leur rôle de pouponnière et alors qu’ils sont vides. Il faut donc s’attaquer aux individus dispersés hors du nid là la recherche de nourriture.

On sait qu’un piégeage classique avec des appâts non spécifiques n’est pas recommandable pour de nombreuse raisons. La première est qu’on piège d’autres espèces d’insectes qui n’ont rien demandé alors qu’il serait probablement utile de les protéger. La seconde est que, le frelon étant envahissant, il est probablement sous-représenté par rapport à l’équilibre potentiel. Ainsi en piégeant du même coup les espèces concurrentes comme le frelon européen (Vespa crabo), on risque fort de réduire la concurrence et de favoriser l’espèce encore sous représentée (Vespa velutina). En d’autres termes, le piège à bière appliqué sur l’ensemble du territoire est à proscrire sauf à vouloir dérouler un tapis rouge à notre ami asiatique.

Pour mémoire, les apiculteurs asiatiques qui vivent avec Vespa velutina depuis des siècles utilisent une méthode d’élimination physique : la tapette à mouches. Cette méthode peu réaliste dans nos contrées présente quelques avantages : (i) elle est bien spécifique et n’a pas d’effet sur l’entomofaune, et (ii) elle réduit le bénéfice pour le prédateur de la rencontre avec la proie, bénéfice qui est un facteur essentiel du bon développement de la proie dans les modèles de dynamique des populations.

L’appât régulateur mentionné sur wikipedia est la voie la plus prometteuse ; pour autant qu’elle soit effectivement spécifique de Vespa velutina.

Notons également que le programme de lutte devra prévoir une action continue et de long terme car interrompre une telle action risque de produire des explosions des populations de prédateurs en cas de relâchement de la lutte. Gardons en mémoire que probablement seules quatre ou cinq fondatrices importées en France ont suffit à produire l’invasion de la moitié de la France en quelques années.

Enfin, il serait bon de s’assurer que les zones qui bénéficient de barrières naturelles soient protégées par des mesures de contrôle des échanges susceptibles de véhiculer ce terrible prédateur. Si le frelon asiatique est arrivé en France avec des produits végétaux (probablement dans la terre de plantes empotées), il serait bon d’éviter ce genre de commerce avec la Corse et les autres îles encore préservées.

Etablir un programme de lutte obligatoire et national est fort complexe. Gageons que les autorités responsables de l’élaboration de ce programme sauront prendre en compte toute la complexité écologique d’un tel défi. Et si on rêvait un peu alors on voudrait voir un modèle proie / prédateur de dynamique des populations utilisé pour (i) le suivi local des populations des zones déjà envahies, (ii) la prévision de l’invasion et (iii) le pilotage de la lutte raisonnée.

Les malheurs de la vaine pâture apicole

Les apiculteurs des Vosges viennent de faire une bien triste découverte, nous l’apprenons dans le journal Le Monde.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/10/03/en-alsace-une-colonie-d-abeilles-produit-un-mysterieux-miel-bleu_1769281_3244.html

En résumé, leurs abeilles ont trouvé des résidus sucrés issus de l’industrie agro-alimentaire. Le langage des abeilles par les danses étant d’une redoutable efficacité, une fois la source identifiée, elles ont foncé comme un seul homme sur ce butin facile. Par chance ces résidus étant colorés, ils ont pu être identifiés.

Les abeilles ne butinent pas que sur les fleurs. Elles peuvent récolter le jus des fruits dont les téguments le permettent ou bien au terme d’une étrange collaboration. Par exemple, j’ai vu mes abeilles sucer le jus de cerises bien mures après que ces dernières aient été percées par des guêpes dont les mandibules sont plus puissantes. Même constat sur les raisins. Autre exemple couramment exploité, les abeilles produisent des miels de sapin à base des miellats (http://fr.wikipedia.org/wiki/Miellat) excrétés par des pucerons. Ces miels sont très recherchés malgré cette origine peu ragoutante. Le monde des insectes n’est pas sans surprises. 

Cette mésaventure désastreuse illustre une des difficultés majeures de l’apiculture qui par nature vit de la vaine pâture. Les abeilles butinent où bon leur semble et sur des zones étendues hors du contrôle des apiculteurs. Il est du devoir moral de tout un chacun de ne pas les exposer à des conditions potentiellement dangereuses.

Ouessant – une initiative individuelle devient une mine d’opportunités scientifiques

001-DSC_0242 (640x428)Ouessant est une petite île située à une vingtaine de kilomètres au large de la pointe Saint Matthieu qui est elle-même l’extrémité Ouest de la rade de Brest. Bout du monde occidental, balayé par les vents et grains de cette fameuse pluie bretonne, l’ile est couverte de prairies et d’un épais maquis d’ajoncs et de bruyères.

En 1978, Georges Hellequin introduit des abeilles noires bretonnes pour y produire du miel comme de nombreux amateurs. En 1984, lorsque le varroa envahit la France, les apiculteurs locaux multiplient les colonies afin de conserver une certaine biodiversité au sein du rucher ouessantin. Depuis les abeilles ont été sélectionnées pour ne conserver que celles correspondant à l’écotype de l’abeille noire bretonne et, ce faisant la barrière constituée par l’océan a préservé ce petit monde des ravages du varroa et de la cohorte de virus qui souvent l’accompagnent.

Rapidement les apiculteurs ont compris la nécessité de préserver ce sanctuaire sanitaire, ainsi aucun matériel apicole ayant été en contact avec des colonies du continent n’est importé sur l’île.

En 1989, l’Association Conservatoire de l’Abeille Noire Bretonne est constituée. Aujourd’hui, l’aventure continue dans ce qui est devenu un microcosme idéal pour les abeilles.

002-DSC_0244 (640x428)J’ai eu la chance de passer deux jours sur l’île et d’être accueilli dans les locaux du Conservatoire. C’est une expérience formidable pour tout apiculteur et plus généralement pour toute personne sensible à l’écologie et la préservation de l’environnement.

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A cette saison, les ajoncs et bruyères sont en fleurs. La bruyères cendrées (Erica) fait place à la callune et, si le soleil le permet, les abeilles y butinent allègrement.

Si en vous promenant sur Ouessant vous avez croisé un olibrius vêtu de blanc (tenue de rigueur pour visiter les ruchers du conservatoire), à quatre pattes voire rampant dans les ajoncs, appareil photo à la main, ce n’était autre que votre serviteur et voici quelques une des images glanées.

 

Une flore sauvage qui se développe dans des conditions climatiques difficiles.

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Lorsque le soleil est au rendez-vous, les abeilles et autres insectes pollinisateurs s’en donnent à cœur joie.

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Je n’ai eu droit qu’à quelques heures pour réaliser mes prises de vues, ce fut toutefois suffisant pour observer quatre espèces d’abeilles sauvages en plus des abeilles noires du Conservatoire. Les pollinisateurs sauvages semblent plus présents dans cet espace préservé qu’ils ne sont sur le continent. Cette impression personnelle mériterait d’être plus rigoureusement observée et quantifiée.

 

L’objectif de notre voyage était de prélever des abeilles à tous les stades de développement de l’œuf à l’ouvrière, des mâles et des reines pour les utiliser comme référence d’une étude d’anatomie pathologique de l’INRA de Nantes.

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Mission accomplie.

Ouessant est véritablement un sanctuaire apicole voire environnemental. Cette pépite est le fruit du travail patient de quelques passionnés. Il aura fallu à ces visionnaires, une dose de hasard, probablement un peu d’opportunisme et surtout beaucoup d’application et de constance pour aboutir à ce chef d’œuvre qu’il serait probablement impossible de reproduire aujourd’hui. Leurs efforts méritent reconnaissance, encouragement et soutien de tous ceux qui se sentent concernés par la cause des abeilles et pollinisateurs.

 

Un grand merci à l’Association Conservatoire de l’Abeille Noire Bretonne et à Jean-Luc Hascoet qui nous a fait découvrir ce monde exceptionnel à bien des égards.

 

 

Toutes ces photos et bien d’autres sont rassemblées dans la galerie photo ci-dessous.

 

Le réchauffement et la relation entre plantes et pollinisateurs

Le Monde publie un article sur la réponse des plantes au réchauffement climatique. On pourrait croire que les écosystèmes vont muer progressivement grâce à la diversité ambiante et au brassage des espèces qui vont migrer selon les évolutions locales. Le problème risque d’être plus complexe et l’article évoque de possible problèmes de synchronisation entre certaines plantes et leurs pollinisateurs. 

Documentaire sur le frelon asiatique

France 3 a diffusé un documentaire sur le Frelon asiatique (Vespa velutina). Un beau travail de synthèse qui peut aider à faire le point sur cette espèce invasive dont le premier, et peut-être seul réel défaut, est d’être un puissant prédateur de l’abeille domestique.

http://aquitaine.france3.fr/documentaires/index.php?page=article&numsite=6371&id_article=17951&id_rubrique=6380

Certes il nous faudra apprendre à vivre avec le Frelon asiatique, et nous savons que la cohabitation n’a rien d’agréable pour les apiculteurs.

Dans la pratique, le piégeage à proximité des ruches, l’élimination physique des prédateurs au rucher et la destruction des nids actifs restent les seuls actions qui soient à la fois efficaces pour protéger les abeilles et respectueuses de l’environnement et de sa biodiversité.

Attention, le piégeage non spécifique et à des périodes inadaptées sont potentiellement favorable au développement de cette espèce invasive.

Abeilles et OGM : faut-il choisir ?

Le gouvernement vient de renouveler l’interdiction de mise en culture de maïs transgénique MON 810. Dans l’état actuel de nos connaissances, c’est une bonne nouvelle.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/16/la-france-interdit-la-culture-du-mais-mon810-de-monsanto_1671178_3244.html

Il n’y a pas de raison de refuser un progrès technologique pour autant qu’il s’agisse effectivement de progrès. La remise en question de cette interdiction qui ne saurait tarder, il nous semble utile de rappeler quels sont les points qui devront alors être traités.

Préambule : attention à la désinformation

L’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), syndicat apicole engagé de longue date dans la lutte contre la culture d’OGM, est au cœur de nombreuses actions anti-OGM. Ces derniers temps une pétition à circulé (www.ogm-abeille.org). Son thème est : « Abeille ou OGM, il faut choisir », et le slogan phare est "Nous avons plus besoin des abeilles que des OGM!". Bien que de nombreux syndicats et associations apicoles y participent, Bee my Friend refuse de cautionner ces actions. Notre position mérite probablement quelques explications.

L’UNAF prétend sensibiliser le public à la cause des abeilles, ne confondons pas sensibilisation et désinformation. Je prends pour illustration de cette pratique le dernier éditorial d’Abeille et Fleurs, dans lequel Olivier Belval, président de l’UNAF, se félicite de constater que : « Pour 81% de nos concitoyens, les pesticides sont la cause majeure de la mortalité des abeilles ». L’UNAF oublie de dire que pour plus de la moitié des apiculteurs, la première cause de problèmes dans les ruchers est Varroa destructor, le fameux acarien parasite des abeilles. Qui doit-on croire, une opinion manipulée et entretenue dans l’ignorance ou les spécialistes concernés ? L’utilisation de pesticides pose de nombreux problèmes, les aborder ainsi est nuisible à la démocratie et à la cause des abeilles.

"Nous avons plus besoin des abeilles que des OGM!". Ce slogan est parfaitement acceptable et ce d’autant plus que les OGM ont montré les dangers qu’ils font porter sur la flore et l’environnement sans pour autant apporter des améliorations substantielles de rendement à l’hectare ou de rentabilité de la culture.

Faut-il choisir entre abeille et OGM ? Il n’y a pas de raison de considérer abeille et OGM comme incompatibles. Et si tel était le cas, il n’y aurait évidemment pas de place pour les OGM car l’abeille et les pollinisateurs sont partout. Utiliser l’abeille comme alibi de la lutte anti-OGM est une vaste supercherie et un mauvais calcul. A ma connaissance, aucune étude ne montre une incompatibilité biologique entre abeille et culture OGM. C’est la règlementation actuelle qui rend abeilles et OGM incompatibles. Un miel a été jugé impropre à la consommation car il contenait du pollen de maïs OGM et que le dit maïs n’avait pas été autorisé pour la consommation humaine. La raison n’a rien de biologique, rien de scientifique. Et les lois et règlementations sont faits pour se faire et défaire en fonction de progrès de la connaissance.

 

Il existe de nombreuses raisons de refuser collectivement la mise en culture d’OGM sur le territoire national sous la forme qui nous est proposée. La plupart de ces raisons ne concernent pas particulièrement les abeilles et donc notre association n’a pas de raison de prendre position dans ce débat trop radical pour être honnête. Essayons de clarifier.

Propriété et responsabilité

Peut-on breveter le vivant comme le font les firmes développant des OGM ? A mon sens, non. Malheureusement, ceci n’est plus qu’un combat d’arrière garde, le coup est parti. Toutefois, si les firmes revendiquent une propriété des gènes, ne devraient-elles pas se voir attribuer une responsabilité sur leur dissémination ? Or tel n’est pas le cas. Par exemple : lorsque une moutarde sauvage a acquis par croisement avec un colza OGM, un gène propriété de Monsanto, lui conférant une résistance à un herbicide commercialisé par Monsanto, Monsanto ne devrait-il pas dépolluer la nature et éliminer cette moutarde devenue OGM hors de tout contrôle ? Lorsque une autre moutarde sauvage a acquis un second gène de résistance commercialisé par Bayer, Bayer ne devrait-il pas dépolluer la nature et éliminer cette moutarde devenue OGM hors de tout contrôle ? Enfin, quand une moutarde a acquis les deux gènes de résistance, qui est propriétaire et qui doit dépolluer ? Il ne s’agit malheureusement pas d’un cas théorique, de telles plantes ont été observées et les éliminer est extrêmement compliqué. Le producteurs d’OGM ne se précipitent pas.

La présence d’OGM est-elle acceptable

La culture d’OGM implique que collectivement nous en acceptions la présence dans notre environnement et jusque dans notre assiette. En effet, une partie des pollens seront OGM et leur dissémination, qu’elle se fasse par le vent, les insectes ou tout autre moyen, amènera des plantes initialement non OGM à le devenir après fécondation. C’est d’autant plus grave que les barrières interspécifiques entre plantes ne sont pas aussi strictes que chez les animaux.

A mon sens les OGM résistants aux herbicides ne sont que des moyens de vendre et épandre davantage de ces herbicides, c’est un non-sens écologique et pour l’instant l’Europe a résister à leur introduction. Plus sérieux les OGM de type BT comme le MON 810 de Monsanto mérite une étude plus approfondie. Cette plante a acquis la capacité de secréter la toxine insecticide naturellement produite par Bacillus thurigensis. Rien ne nous dit que la toxine est exactement la même et ni qu’elle est synthétisée et conditionnée sous sa forme naturelle, mais osons supposer qu’il en est ainsi. Certes, cette technologie est séduisante car elle permet de ne pas épandre d’insecticide. En revanche, le problème de la dissémination incontrôlable des pollens reste identique aux vus ci-dessus. Les quantités de substance insecticide secrétées sont loin d’être maitrisées. Enfin, que sait-on des éventuelles toxicités des exsudats de ces plantes et de leur attractivité pour les insectes non cibles. Un second article du Monde nous donne quelques idées sur la complexité scientifique et les querelles de clochers engendrées : http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/03/19/la-coccinelle-victime-collaterale-du-mon810_1672055_3244.html.

Abeilles et OGM

Les OGM sont-ils toxiques pour les abeilles ? Nous n’en savons rien ou pas grand-chose. Voici une question qui exige une réponse au cas par cas.

Le point de règlementation qui nous semble important est la notion de droit de produire et consommer avec ou sans OGM. Tout d’abord, la mise en culture d’OGM prive tout apiculteur alentour de son droit de produire sans OGM. On retrouvera du pollen et des nectars OGM dans les miels.

Plus grave à mon sens, un agriculteur faisant le choix de cultiver sans OGM verra sa culture pollinisée par des abeilles qui lui apporteront du pollen OGM. Ainsi l’apiculteur prive l’agriculteur de son droit de cultiver sans OGM. L’abeille est alors le vecteur de la pollution génique, elle cause un tord à cet agriculteur traditionnel. Nous sommes heureux de voir cette notion enfin évoquée par la fameuse pétition, nous l’avons signalée depuis plusieurs années.

Il est essentiel que cette action vectrice de pollen qu’ils soit OGM ou non, soit reconnue comme ne pouvant en aucun cas être considérée responsable d’un tord causé. Ce tord a son origine dans la culture OGM et l’abeille ne saurait être tenue pour responsable. Le vecteur, l’abeille, est un partenaire intrinsèque et essentiel de toute culture, l’autorisation de mise en culture des OGM ne peut se faire qu’en connaissance de cause et doit d’emblée dédouaner l’abeille.

Et si on peut écarter les abeilles domestiques des champs OGM comme l’a demandé un juge allemand, on ne peut pas en faire autant des abeilles sauvages et autres insectes pollinisateurs. On peut oser espérer que les magistrats qui auront à étudier le dossier mesureront l’absurdité d’une telle position si la culture d’OGM doit se développer.

 

Les abeilles peuvent très probablement cohabiter avec des cultures OGM. La technologie n’a a priori pas de raison d’être remise en cause, l’innocuité des cultures proposées aujourd’hui est cependant questionnable.

Autoriser la mise en culture d’OGM

  • c’est accepter que le patrimoine génétique ambiant partagé par les cultivateurs sera mâtiné de gènes OGM dans des proportions imprévisibles, c’est accepter que ce qui pourrait passer pour une pollution génique n’en est pas une ;
  • c’est accepter que les abeilles récolteront des pollens et nectar OGM et qu’il sera impossible de les en empêcher, ni de contrôler les quantités contenues dans les miels ;
  • c’est accepter que les abeilles polliniseront indifféremment des plantes OGM et non OGM, et qu’il ne saurait être question de tenir les apiculteurs pour responsables de la dissémination incontrôlée de pollens transgéniques.

Tant que nous ne serons pas prêts à assumer collectivement ces risques, alors il sera préférable de prolonger l’interdiction des cultures OGM sur notre territoire.