On entend beaucoup parler de la biodiversité mais le concept reste relativement imprécis et les définitions se font rares. Alors comme Monsieur Jourdain faisons un peu de prose et voyons s’il en sort quelques lumières. Et puis la biodiversité, à quoi cela peut-il servir?

Lorsqu’on apprend la disparition d’une variété locale voire l’extinction complète d’une espèce, on ressent un certain malaise. On a l’intuition qu’une richesse (même modeste) de notre monde ne sera pas transmise à nos enfants. En tant que conservateurs du musée du vivant, nous avons fait défaut et une œuvre ne sera plus visible.

Mais ceci est-il vraiment grave ? D’autres espèces ont disparu avant que l’homme n’intervienne, je pense aux dinosaures et d’autres auraient disparu sans la présence de l’homme. Lorsqu’une espèce disparaît, on imagine que la diversité diminue. S’agit-il d’une saine sélection ? On pourrait alors dire qu’on nettoie le fouillis du vivant de quelques impasses évolutives. Le sujet est certainement plus complexe.

Julian Huxley, généticien évolutionniste, fondateur de l’Unesco écrivait « l’homme est un produit de bientôt trois milliards d’années d’évolution dans lequel le processus évolutif est in fine devenu conscient de lui-même et de ses possibilités ; et, que cela lui plaise ou non, il est responsable de l’ensemble de l’avenir de l’évolution de notre planète. » La connaissance responsabilise et l’écologie devient une mission humaine. A cela s’ajoute que l’homme n’est plus perdu au milieu d’un monde sauvage mais il est un acteur majeur influant sur l’essentiel des écosystèmes. La responsabilité est d’autant plus grande qu’on imagine mal qui, et selon quels critères, pourrait decider de condamner une espèce ou un clade. Conservateurs du monde vivant, nous avons une obligation de moyens à l’égard des générations qui nous suivront.

Alors qu’on parle souvent de sélection génétique afin d’identifier des lignées concentrant les meilleurs  caractères, alors que l’on va même jusqu’à fabriquer des OGM lorsque la sélection par reproduction ne suffit plus ou n’agit pas assez vite, pourquoi encore raisonner en terme de diversité ?

La biodiversité doit tout d’abord se mesurer en nombre d’espèces présentes dans l’écosystème observé (les espèces étant assez mal définies, nous dirons qu’il s’agit d’un groupe d’individus fécond entre eux, tout en sachant que cette barrière est assez relative chez les végétaux). La seconde mesure, plus délicate est à l’intérieur de l’espèce. En effet, la diversité génétique des individus est le fondement indispensable de la sélection. Si on n’alimente pas continuellement le récipient en lait gras, en extraire la crème est un jeu qui ne peut pas durer. C’est de la diversité que naissent, par recombinaison et sélection, de nouveaux individus mieux adaptés aux conditions auxquelles ils sont soumis. IEt c’est à eux qu’il appartiendra de porter le drapeau de l’espèce.  Ainsi la diversité des gènes et leur brassage sont les conditions nécessaires de l’adaptabilité du vivant aux évolutions que l’homme fait subir à l’environnement. On peut en arriver à penser que l’extinction d’une espèce est le résultat tangible et observable d’un long processus de perte de biodiversité intra-spécifique non observé (ou non corrigé). A moins qu’elle ne soit le fait d’une accélération des transformations environnementales auxquelles l’espèce n’a pas le temps de s’adapter.

Et les abeilles dans tout ça ? Elles sont, par leur action pollinisatrice des végétaux, un facteur de brassage génétique formidable. Par leur spécialisation florale (une butineuse se concentre sur une variété de fleurs) elles jouent merveilleusement leur rôle complémentaire du vent, autre facteur de brassage.

Enfin l’écologie ne concerne pas que les espaces sauvages. D’ailleurs en existe-t-il encore vraiment ? Nous l’observons au quotidien avec nos abeilles, leur biotope est composé de vergers et de champs cultivés, de forêts plus ou moins sauvages et de quelques hectares de friches. La diversité florale nous est précieuse tant pour la santé de nos abeilles que pour la qualité gustative des miels.

L’uniformisation des cultures du fait de quelques entreprises quasi monopolistiques est très certainement un facteur de réduction de la biodiversité des espèces cultivées. En France, le nombre de semenciers va diminuant. La structure oligopolistique résultante et la réglementation vieillissante qui encadre cette activité, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu écologique et donc humain. Sans aller chercher dans le fond du dossier, il est difficile de voir une structure associative comme Kokopelli se faire condamner par une justice invoquée par l’état et les semenciers alors que l’action qu’elle mène pour l’entretien d’une certaine biodiversité des plantes traditionnelles de jardin est, à bien des égards, exemplaire.

Nous avons vus que les abeilles étaient contributrices à la biodiversité végétale et dépendantes de cette même biodiversité. Pour ce qui est de leur propre génome, les abeilles domestiques (Apis mellifera) qui vivent dans nos ruches ne sont pas fondamentalement différentes des abeilles sauvages qui peuvent venir poser leur essaim autour de chez vous (l’abeille est un peu dans la même situation que le cochon en Corse, jamais vraiment domestique, jamais vraiment sauvage). La f
33;condation des reines, quand elle n’est pas le résultat d’une insémination artificielle, est l’occasion du brassage des gènes car l’origine des mâles n’est pas vraiment contrôlable ainsi la diversité est entretenue par les croisements entre les souches domestiques et sauvages. Or la survie des abeilles à l’état sauvage, c’est à dire sans l’assistance d’un apiculteur est de plus en plus compromise par les parasites, notamment le varroa, la réduction des espaces de nidation et l’emploi des pesticides. Dans ce contexte, la gestion de la biodiversité des abeilles revient de plus en plus aux apiculteurs. Leur travail d’éleveurs consiste à sélectionner des lignées performantes, adaptées aux conditions d’exploitations tout en conservant un cheptel suffisamment diversifié. Si l’abeille a su s’adapter à une grande variété de climats, il est essentiel, aujourd’hui que sa survie est menacée dans de nombreuses régions du globe, de s’assurer que sa biodiversité est forte et connue.

C’est un des rôles que s’est donnés Bee my Friend que d’assurer  qu’une population diversifiée d’abeilles couvre le territoire national. Ensuite, il est à souhaiter que les évolutions catastrophiques des écosystèmes soient contrôlées afin d’éviter les mouvements trop violents auxquels on peut penser que peu d’espèces sauront survivre.

Pour en savoir plus sur thème Abeille et Biodiversité, voici un peu de lecture avec : une fiche du ministère de l’écologie, un article de synthèse de Bernard Vaissière (INRA Avignon) : Abeilles, pollinisation et biodiversité, et enfin, un article de Agnès RORTAIS – Gérard ARNOLD – Lionel GARNERY (Laboratoire Populations, Génétique, Evolution, CNRS, Gif-sur-Yvette) et Michel BAYLAC (Muséum National d’Histoire Naturelle Paris) sur l’analyse de la biodiversité des abeilles.