Tag Archives: Autorisation

Comment sont évalués les pesticides ?

On peut se demander pourquoi les apiculteurs se plaignent des pesticides et de leurs effets délétères sur les populations d’abeilles ? N’y-a-t-il pas des règlementations sérieuses sur l’usage des pesticides ? Les gens qui font les règlementations sont des gens dignes de foi, n’est-ce pas ?

Si vous me posiez la question, je ne manquerais pas de me lancer dans de longues explications. Et vous ne liriez probablement pas mon billet jusqu’au bout. Dans Le Monde, Stéphane Foucart traite le sujet en quelques lignes et avec beaucoup d’humour.

 

2008-03-29 - Abeille Prunier 4

Abeille sur une fleur de prunier

Le tabac et les abeilles

Article paru dans l’édition du 13.10.13 du Journal Le Monde

Les vrais rouages de nos sociétés sont les milliers de documents techniques qui en règlent minutieusement le fonctionnement et que nous ne prenons généralement pas le temps d’explorer. S’y plonger est parfois édifiant. Penchons-nous sur celui qui répond au nom rébarbatif de « Système pour l’évaluation du risque des produits phytosanitaires pour l’environnement », publié en 1992 par l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (EPPO) et dont une dizaine de pages traitent des abeilles domestiques (Apis mellifera).

Régulièrement remis à jour depuis sa publication, ce « document-guide » établit, entre autres, la manière dont les agrochimistes doivent s’y prendre pour garantir l’innocuité de leurs pesticides pour ces petits insectes. La lecture de ce document offre une explication assez convaincante à ce qui est généralement présenté comme une énigme : le mystère tenace du déclin rapide des abeilles, un peu partout sur Terre.

Pour comprendre, il peut être utile de faire une petite expérience de pensée. Prenez un groupe d’hommes jeunes, en bonne santé. Assurez-vous qu’ils pèsent tous environ 70 kg. Puis enfermez-les pendant deux jours et contraignez-les à fumer suffisamment de cigarettes pour obtenir la mort de la moitié d’entre eux. Relevez la quantité de cigarettes inhalées pour parvenir à ce résultat : vous venez d’obtenir ce que les toxicologues nomment la « dose létale 50 » sur quarante-huit heures (ou DL50-48 heures). C’est la quantité d’un toxique qui, administrée sur une période de deux jours, a une chance sur deux de tuer un individu. En se fondant sur la seule toxicité de la nicotine, il est vraisemblable que la DL50-48 heures de la cigarette blonde soit de l’ordre de cent cinquante paquets par individu. Divisez ensuite cette quantité par dix. A ce stade, vous ignorez encore à quoi correspond le résultat obtenu (c’est-à-dire quinze paquets).

A rien ? Détrompez-vous : l’expérience et le calcul que vous venez de conduire vous apportent la « preuve scientifique » que la cigarette est un produit à « faible risque » pour les humains, pour peu que sa consommation demeure sous le seuil de quinze paquets quotidiens. A cinq paquets de blondes par jour, vous êtes donc très largement en deçà du seuil de risque.

Grotesque ? C’est très précisément de cette manière que sont évalués les risques présentés par les nouvelles générations d’insecticides (dits néonicotinoïdes) pour l’abeille. Si l’on estime qu’une butineuse est quotidiennement exposée à une dose d’insecticide de l’ordre d’un dixième de celle qui lui est fatale, alors le produit est jugé, de manière tout à fait arbitraire, à « faible risque »…

De nouvelles lignes directrices – fondées, elles, sur l’état réel du savoir scientifique – ont certes été proposées cet été par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Début octobre, les Etats membres de l’Union et la Commission européenne devaient décider – ou non – de leur adoption. Las ! La décision a été ajournée et nous pouvons faire ici le pari qu’il faudra encore plusieurs mois avant leur adoption formelle. En attendant, les autorisations se font sur la foi des anciennes lignes directrices, dont nous mesurons l’absurdité.

Quant à savoir pourquoi un laxisme réglementaire aussi invraisemblable a perduré plus d’une quinzaine d’années, alors même que les apiculteurs donnaient l’alerte sur les dépeuplements massifs de leurs ruches… Ce sera probablement l’objet d’une prochaine chronique.

par Stéphane Foucart

Les OGM sont de retour

La Commission Européenne doit renouveler l’autorisation du MON810 après dix ans de ‘bons et loyaux services’.

Il semblerait qu’en l’absence d’éléments nouveaux, le renouvellement de cette autorisation passe comme une lettre à la Poste et, de fait, donne à la Commission la capacité d’imposer sa conclusion à la France.

L’innocuité pour les abeilles reste à ce jour le résultat d’une démonstration incantatoire de la part des promoteurs de ce maïs.

Et pour tout dire, il me semble qu’il existe un élément nouveau de taille qui concerne les abeilles. Si la forte toxicité des gouttes transpirées par les plants de maïs dont les graines ont été enrobées semble maintenant établie, alors il est fort possible que les gouttes produites par ces plans OGM soient également toxiques. Le fait fondamentalement nouveau provient de l’intoxication par l’eau alors qu’on s’est toujours concentré sur la potentielle toxicité des pollens et nectars. A ma connaissance, rien n’a été fait pour apporter une réponse claire à cette question que toute personne responsable devrait se poser.

Curieusement, vous lirez dans la dernière publicité de Monsanto parue dans The Economist que cette firme souhaite tirer le maximum de la moindre goutte d’eau. Paradoxe quand celle-ci devient un poison pour nos abeilles. Provocation ou coïncidence ?

Enfin, il existe un second point déjà évoqué dans ces colonnes et auquel aucune réponse n’a été apportée. L’apiculteur ne saurait en aucun cas être tenu responsable de la dissémination de pollen OGM par ses abeilles. La confusion juridique générale qui règne exige que soit reconnue la pré-existence de l’apiculture et que, OGM ou non, nos abeilles gardent le droit de polliniser qui leur plaira.

Le droit de cultiver sans OGM est un leurre qui pourrait être utilisé contre les apiculteurs puisque votre grain de maïs peut être issu pour moitié du plant sur lequel il pousse et pour moitié du pollen qui l’aura fécondé. Ce droit n’existe donc plus dès lors qu’un voisin cultive un OGM et qu’un apiculteur brasse les pollens des uns et des autres par l’intermédiaire de ses abeilles. Si ‘pollution génique il y a, qui en est responsable, le cultivateur d’OGM qui ne demande pas à disséminer son pollen chez autrui ou l’apiculteur donc les abeilles sont le vecteur de cette pollution.

Ces deux points, l’un technique et l’autre juridique, ne demandent pas de gros efforts pour être résolus. Il paraît essentiel de les traiter afin que le débat gagne en rationalité voire raison.

L’AFSSA, le MON810 et le Pr Le Maho.

Si vous lisez le Figaro d’aujourd’hui vous aurez le plaisir de lire une nouvelle parfaitement rassurante sur l’absence d’effets toxiques du MON810 sur l’homme et les animaux. C’est tout juste si on rappelle que ce maïs aurait un effet sur les parasites du maïs qu’il est sensé combattre.

Cet article, assez bien documenté et rédigé, se base sur un rapport de l’AFSSA (également disponible sur le site du Figaro) qui remet en cause les conclusions d’un autre rapport, celui du Pr Le Maho dont la publication avait amené à appliquer le principe de précaution et suspendre l’autorisation du MON810.

Il n’est pas question ici de vous imposer, ni la lecture du rapport de l’AFSSA (votre serviteur ne saurait vous faire subir les sévices qu’il s’impose) ni celle du rapport du Pr Le Maho mais seulement de poser quelques remarques et questions.

On ne cesse de nous parler de rapport d’experts scientifiques indépendants. Si maintenant deux rapports scientifiques arrivent à des conclusions différentes, que faut-il faire? Ecouter le dernier qui a parlé? Leur demander de se mettre d’accord? Ou conclure que le sujet n’est pas clair et appliquer le fameux principe de précaution? Je penche pour le principe de précaution jusqu’à ce que les scientifiques se mettent d’accord pour produire une synthèse. Lorsque deux ignorants préfèrent s’affronter plutôt que de faire progresser le savoir, il y a de vraies raisons de prendre des précautions à l’égard des deux.

Mais au fait, la toxine BT produite par le MON810, c’est pas un insecticide? Les insecticides s’ils ne sont pas dangereux pour l’homme, ni pour les mammifères et autres oiseaux, c’est très bien, mais s’est-on posé la question de la toxicité sur les abeilles? Et bien à ma grande surprise -je suis naïf, je le sais- le terme d’abeille n’apparaît pas dans ce rapport.

Il ne m’en faut pas davantage pour invoquer le principe de précaution.

Inutile de revenir sur les problèmes d’éthique que posent le mode de culture des OGMs, ils sont nombreux. Inutile également de revenir sur le modèle économique d’un oligopole des semences. Ces problèmes de société sont presque secondaires devant la carence de savoir et d’information.

En attendant, la réaction du Pr Le Maho…

Abeilles et OGM en Allemagne

Bien souvent les tribunaux offrent à des gens très sérieux, l’occasion de produire avec autorité et emphase des conclusions d’une stupidité ahurissante. D’une part, les parties, à vouloir gagner l’une contre l’autre, finissent bien souvent par y perdre toutes les deux, et d’autre part, à vouloir trancher en droit au moyen de lois incomplètes, le tribunal risque fort d’y perdre sa crédibilité.

Vous trouverez dans le numéro de septembre de ‘l’Abeille de France’, la revue du SNA, à la page 368, un article fort intéressant sur les déboires de Karl Heinz Bablock, apiculteur dont la production s’est trouvée accidentellement contenir du pollen d’OGM (le fameux maïs MON810), face au Tribunal Administratif d’Augsburg.

Continue reading Abeilles et OGM en Allemagne

Abeilles et OGM – la loi est votée par l’Assemblée.

La loi sur les OGM vient de passer à l’Assemblée, il reste un passage technique au Sénat et la France disposera d’une loi mettant en oeuvre, en droit français la directive européenne de 2001. Il était temps. Cependant gardons à l’esprit que ceci n’est qu’une première étape et que la confrontation avec la réalité nous réserve probablement des surprises.

Continue reading Abeilles et OGM – la loi est votée par l’Assemblée.